(et réalité)
Le mot « free » est polysémique, il signifie aussi bien gratuit que libre. Pour autant la signification exacte de « Free Software » est « libre » : Logiciel Libre. Malgré tout, dans l’imaginaire collectif un logiciel libre est un logiciel gratuit.
Vrai ou Faux ?
Il était une fois…
Libre, gratuit, open source, ouvert, free… chacun de ces mots peut être utilisé pour désigner un logiciel dont le code est rendu public, accessible, utilisable, modifiable et redistribuable. Cependant plusieurs opinions s’opposent sur l’usage qui peut en être fait.
Evidemment, il existe des licences, plus d’une centaine en tout, qui régissent ce qu’il est possible ou non de faire avec un code accessible. Mais au-delà de ces règles établies, ce sont des philosophies qui s’affrontent.
Commençons par un peu d’histoire du vocabulaire.
Le terme « Free Software » est le plus ancien et se reflète dans le nom de la Free Software Foundation (FSF), une organisation fondée en 1985 par Richard Stallman pour protéger et promouvoir le logiciel libre. Le terme « open source » lui, a été créé par Christine Peterson et adopté en 1998 par les fondateurs de l’Open Source Initiative.
Dans les années 1990, le terme « ouvert » appliqué au code source d’un logiciel était parfois utilisé pour laisser entendre que le code source était simplement inspectable, visible ou disponible.
Le terme « open source », tel qu’il est défini dans la définition de l’Open Source de l’OSI, indique clairement que l’open source n’implique pas seulement un simple accès pour inspection, mais aussi le droit perpétuel de forker (c’est-à-dire créer un nouveau logiciel par bifurcation d’un logiciel existant) le code et de l’utiliser sans frais supplémentaires.
Pour la FSF, les utilisateurs d’un logiciel libre ont la liberté d’exécuter, copier, distribuer, étudier, modifier et améliorer ces logiciels. Ainsi, « logiciel libre » fait référence à la liberté, pas au prix. Là où l’OSI voit des critères pragmatiques de transparence, de collaboration, d’innovation etc., la FSF émet un jugement de valeur : le libre est le bien et le propriétaire représente le mal.
La FSF et l’OSI utilisent des définitions différentes, qui aboutissent au même résultat dans la pratique. La FSF est cependant beaucoup plus dogmatique et politique que l’OSI et milite au travers de sa figure de proue, Richard Stallman.
Les termes « Open Source » et « Logiciel libre » sont interchangeables, sauf lorsqu’ils sont utilisés spécifiquement pour discuter de l’histoire ou des connotations de la différence terminologique elle-même.
Les lasagnes de Mère-Grand
Une fois qu’on a dit ça la question reste en suspens : un logiciel libre est-il gratuit ? Reprenons une célèbre phrase de Richard Stallman: « This is a matter of freedom, not price, so think of “free speech,” not “free beer.” En français la nuance est plus évidente car les mots sont différents : « C’est une question de liberté, pas de prix, alors pensez à la liberté d’expression pas à la bière gratuite ».
Les développeurs sont comme vous et moi. Même animés des meilleures intentions, il faut bien qu’ils mangent et malheureusement le bénévolat ne remplit pas le frigo. L’Open Source ou le Logiciel libre – selon comment vous préférez l’appeler – ne peut être pérenne s’il ne dégage pas de bénéfices. Et quand on ne vend pas le produit, c’est que l’on vend un service ou que l’investissement dans le produit sert une autre cause (comme maintenir une alternative, par exemple : mozilla, pour éviter sa propre hégémonie ou celle d’un concurrent)
Pensez aux lasagnes. La recette est à la disposition de tous depuis des années. N’importe qui est en mesure de les réaliser. La recette a même été « forkée », on en a décliné de nouvelles versions : végétariennes, végane, au poisson… Pour autant, quand vous allez au restaurant italien de votre ville, vous êtes prêts à payer pour en manger y compris les plus standards comme les bolognaises.
Même chose avec l’Open Source. Le code – la recette – est disponible, mais ça ne vous transforme pas en cuisinier pour autant, et encore moins en restaurateur. Le service, le support, les mises à jour, la compétence technique, la salle du restaurant, le service, la vaisselle et le cuisinier – doivent être fournis, et donc rémunérés.
Les éditeurs Open Source ont donc un rôle majeur à jouer dans la « consommation » de logiciels par les utilisateurs ou clients.
« Les clients cherchent une solution à leur problème ou besoin, pas un code source » expliquait Pierre Baudracco à l’occasion du Paris Open Source Summit 2018. « Prenez le code de BlueMind, il est disponible. En revanche les compétences pour le déployer, le maintenir, le mettre à jour en toute tranquillité et efficacité, tout en minimisant les risques de problèmes, de perte, d’indisponibilité, en garantissant les outils et l’écosystème qui l’alimente, ainsi que le réseau de partenaires certifiés pour l’implémenter, tout ça, c’est nous qui le fournissons. »
Formules magiques
Les logiciels les plus courants sur le poste utilisateur sont à ce jour majoritairement détenus par quelques grands acteurs internationaux, essentiellement américains. Acteurs que l’on retrouve également derrière les principales plateformes cloud, sous la désignation de GAFAM. Cette concentration est malsaine : ils prennent les entreprises en étaux en les rendant dépendantes de solutions et services toujours plus chers et aux conditions non négociables.
Sans oublier que ces géants sont très doués pour les tours de passe passe avec les impôts. Nous vous invitons à (ré)écouter notre ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire sur le sujet.
L’hégémonie de ces quelques acteurs leur permet de bénéficier d’une puissance inégalable. Même les états ne parviennent pas à les dompter en matière d’imposition. On parle d’une « Taxe GAFA » sans savoir comment la mettre en œuvre alors que pendant ce temps là Google déplace légalement des milliards dans des paradis fiscaux et Amazon promène son chiffre d’affaires entre le Luxembourg et le Delaware (pour ne citer qu’eux).
Dans un rapport intitulé « L’Open source – ou Logiciel libre – alternative aux grands fournisseurs », les DSI ont poussé un violent coup de gueule contre cette hégémonie, menaçant de se tourner vers le logiciel libre. En effet, le libre peut être une réponse réaliste, plus éthique, plus transparente et qui présente moins de risques de concentration (contrairement à l’idée de créer nos propres GAFAM européens.)
Un code accessible est synonyme de transparence, de pérennité (si son éditeur ne joue pas le jeu, un fork ou alternative peut apparaître comme par ce fut le cas pour mysql avec MariaDB) et « d’auditabilité », un mot barbare pour dire que l’on est en mesure de l’examiner, tout comme il est possible de lire la recette et la liste des ingrédients d’un plat de lasagnes. Ceci est très important, même essentiel, dans un monde où toute donnée personnelle est monétisable.
Encore récemment on apprenait que Facebook a laissé Netflix et Spotify accéder à tous nos messages privés, à la suite de nombreux autres scandales liés à des comportements non conformes des applications.
Des Sorciers et des Hommes
Les logiciels libres sont déjà partout… dans les couches infrastructures. Celles que les utilisateurs finaux ne voient jamais : couches réseaux et sécurité, serveurs d’application, serveur web, virtualisation etc.
Alors pourquoi sont-ils encore si minoritaires sur les postes clients des utilisateurs / consommateurs ? Deux raisons majeures :
- Parce que l’Open Source est d’abord pensé par des techniciens, pour des techniciens.
- Parce que le marché du front-end a été verrouillé très tôt par les grands éditeurs.
Le premier point est simple à comprendre : il y a un monde entre les exigences des utilisateurs et celles des techniciens. Un développeur est satisfait quand une fonctionnalité de l’outil marche comme elle devrait, l’utilisateur lui, est prêt à tout jeter par la fenêtre si une seule fonctionnalité ne correspond pas à ce qu’il attend ou plus simplement qu’il ne parvient pas à l’utiliser.
Le second point quant à lui, est plus subtil : des armées d’UX designers chez les géants du logiciel ont façonné l’expérience de l’utilisateur jusqu’à la verrouiller totalement. En clair, ils nous ont fait développer des habitudes si bien ancrées aujourd’hui que l’on est devenus réticents à tout changement.
Pensez à la difficulté de passer de Windows à Mac et inversement, ou de iOs à Android. Imaginez maintenant abandonner la suite Office de Microsoft pour Libre Office ! Les boutons ne sont pas au même endroit : « mais comment on filtre cette p#%$£& de colonne ?!? » (histoire vraie). Il y a bien sûr aussi le problème de compatibilité des formats ; entre le propriétaire et le libre l’expérience du logiciel est dégradée quand le format utilisé est propriétaire ou opaque.
Et pourtant. Grâce aux éditeurs open source qui ont bien compris que les clients attendent une solution et non un kit de construction, le libre entame la remontée des couches basses vers l’utilisateur final.
« C’est précisément le problème que nous avons attaqué avec BlueMind v4.0, » explique Pierre Baudracco, Président de BlueMind. « La messagerie est l’outil le plus utilisé en entreprise, mais aussi certainement le plus critique. Sitôt qu’elle tombe en panne, c’est la panique totale. La grande majorité des utilisateurs a été biberonné à Outlook, la messagerie de Microsoft. »
« Les DSI veulent éviter la révolte dans l’organisation et préfèrent la prudence en permettant aux utilisateurs de préserver les habitudes Outlook. Jusqu’ici l’Open Source imposait un changement d’interface. Nous avons choisi d’aborder le problème dans l’autre sens, en mettant le besoin utilisateur au centre. Certains veulent leur Outlook sans aucune différence, OK, permettons-le. Par contre, nous allons changer tout ce qui se cache derrière et ainsi offrir le choix pour l’interface utilisateur, dont celui de garder Outlook. »
Puisqu’une image vaut mille mots, nous avons concocté une petite vidéo :
Ils vécurent heureux…
Si vous êtes arrivés jusqu’à ce paragraphe, vous savez désormais qu’un logiciel libre n’est pas nécessairement un logiciel gratuit et que vous en bénéficiez probablement déjà sans le savoir.
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il existe aujourd’hui des alternatives crédibles et éprouvées sur le marché du libre qui permettent de s’émanciper de la mainmise des grands éditeurs (notamment US). Il ne s’agit pas d’une opposition dogmatique ou philosophique, mais bien d’un choix sociétal.
Choisir une solution Open Source Française ou Européenne, revient à favoriser l’innovation et l’emploi, préserver son indépendance et contribuer à la souveraineté numérique de nos états.
Cet article, comme tous les autres, est ouvert à la discussion. N’hésitez pas à nous faire connaître votre avis sur Linkedin, Twitter, Facebook ou sur notre site internet.
One Response
très bon la petite vidéo !
très drôle !
elle n’est pas sans nous rappeler le style des chroniques humoristiques de :
« L’oeil du Larinx », de François Rollin
http://www.communication-langages-et-systemes.com/L_oeil_du.126.0.html